Je vous écris cet article alors que je suis à 10 000 pieds d’altitude dans le vol d’Air France reliant Hong Kong à Paris. Cela faisait quelques temps que je n’avais plus pris un avion de notre chère compagnie nationale, j’avais oublié combien la compagnie s’était détériorée.
Car dans le parcours client, tout cloche chez Air France. Le souci c’est que le cloisonnement des différents services de l’entreprise est visible à chaque étape de ce parcours. On sent bien que quelque chose cloche dans l’organisation, car on en voit les résultats tangibles.
1- Réservation
A commencer par le site Internet. Alors que la plupart des compagnies ont un site web unique, Air France en a pas moins de 132 (un par pays). Inutile de chercher à réserver un vol Hong Kong – Paris sur le site airfrance.fr, l’aéroport de Hong Kong n’est pas listé. Il faut pour cela aller sur le site airfrance.com.hk, proposé en Anglais ou en Chinois.
2- Service Client
Lors de mes recherches de vol j’ai souhaité joindre la compagnie par téléphone. Alors que je suis membre Flying Blue Platinum, le degré le plus élevé de la carte de fidélité d’Air France, la compagnie ne propose aucun numéro de téléphone spécifique : j’ai le choix entre un serveur vocal et l’email. La reconnaissance des clients de valeur, pourquoi faire ? Pour comparer, Singapore Airlines va jusqu’à proposer des salons différents pour chacune de ses catégories de clients (Silver, Gold).
3- Personnalisation du Parcours Client
A la réservation de mon billet, Air France me place sur un siège couloir. Pourtant sur les 12 derniers mois, sur une trentaine de vols internationaux, j’ai systématiquement souhaité un siège côté hublot. Air France n’a semble-t-il toujours pas compris que je préférais le placement côté hublot. Pourtant j’ai bien rempli les préférences de mon profil flying blue (un site aux bugs innombrables). La conclusion est sans appel: rien n’est fait chez Air France pour identifier le client afin d’avoir avec lui une relation personnalisée.
4- Niveau des Prestations
Après avoir obtenu mon siège j’ai embarqué dans l’avion, pour me rendre compte que mon siège se trouvait juste derrière les toilettes. Ce placement ne devrait en principe pas poser de problème, seulement les toilettes avaient été mal nettoyées. Pendant tout le vol, un vol de 12 heures incluant deux repas, cela empestait l’urine.
Tout cela c’est sans parler de la configuration et de l’état des sièges. Air France réussit à caser sept sièges par rangée. Pas de chance pour la personne qui se trouve sur un siège du milieu dans la rangée centrale. Cette personne a pourtant payé le même prix que les autres… ce n’est pas normal. Pour ce qui est de l’état des sièges et de la cabine, c’est la déliquescence la plus totale. Qu’il s’agisse de l’habillement des cloisons qui sont rayés, des pièces de garnitures manquantes, des dos de sièges qui tombent en cours de vol, des joints qui tombent du plafond, et pour finir d’écrans d’un autre âge (plus d’une seconde entre l’appui sur une icône et la réaction de l’écran… à l’ère de l’iPhone), cela quand ils ne sont pas en panne (pas de chance, le mien l’était), l’image que donne la cabine business du vol Hong Kong – Paris, un vol qui doit être très rentable pour Air France vu le taux de remplissage (100%), est l’image que donne finalement la société d’elle-même : une société en déliquescence qui a perdu le contact avec sa clientèle, notamment haut de gamme, une clientèle qui préfère de plus en plus quitter ce navire en détresse, préférant voyager sur des compagnies comme Singapore Airlines où l’organisation, l’ordre, la propreté et la qualité du service sont militaires, systématiques.
Après avoir aspergé les toilettes et l’espace devant mon siège de désodorisant (ce qui n’a servi a rien, l’odeur de l’urine ayant toujours repris le dessus), remis en place le joint de plafond qui était tombé, redémarré trois fois l’écran de mon siège (ce qui n’a pas résolu le problème), le chef de cabine a passé quelques moments à discuter avec moi et écouter mes griefs. Le pauvre bougre ne savait plus quoi faire, il m’a proposé de remplir un questionnaire de satisfaction pour que ces informations « remontent ».
5- Service Après-Vente
Ce que j’ai fait de bonne volonté, ajoutant même quelques remarques de ci de là. En atteignant la fin du questionnaire, je lis « Toutes les réponses sont traitées automatiquement. Il n’est malheureusement pas possible de réagir aux remarques supplémentaires. »
Ultime affront, c’est un ordinateur qui traitera ma communication avec Air France. Lorsqu’il s’agit des remarques de ses clients, la chose qui devrait avoir le plus de valeur pour Air France, le traitement est effectué par un ordinateur, sans aucune considération des remarques particulières.
Il fût une époque où Air France était la fierté de notre pays, le flambeau d’une nation fière de sa valeur et de ses valeurs. Aux côtés des fleurons de l’industrie française du luxe tels que Louis Vuitton et Chanel, Air France représentait une certaine idée de la France, l’avant-garde de son image de marque dans le monde. A l’aune de la concurrence planétaire, l’image qui me reste après ce vol, probablement le dernier sur cette ligne, est celle d’une compagnie en lambeaux où la déliquescence se trouve à tous les niveaux du parcours du client. L’alliance avec KLM n’est qu’un révélateur de plus, quand on recherche l’excellence, on ne se fait pas une alliance avec une compagnie bas de gamme.
Une fois n’est pas coutume, je vous fais part de griefs que j’ai à l’encontre d’une entreprise. Mais ne vous méprenez pas sur mes intentions, au travers de cette analyse sur le parcours client chez Air France, il y a deux principaux messages à retenir: le premier est que la marque ne m’est pas indifférente, et j’espère sincèrement que quelqu’un chez Air France lira cet article. Le second est que les entreprises doivent apprendre à considérer le parcours client comme un tout, et non comme une suite de processus (non) liés les uns aux autres.
Car dans la guerre des cieux, d’autres compagnies comme Singapore Airlines ont pris beaucoup d’avance et atteignent aujourd’hui des niveaux de qualité de service proches de la perfection. Moderniser sa flotte, et notamment les sièges de ses longs courriers, comme le veut Air France, ne sera malheureusement pas suffisant car il ne s’agit là que d’un seul maillon de la chaîne. Espérons que la réaction de notre compagnie nationale sera prompte car il y a péril en la demeure.
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